Trisomie 21

La trisomie 21 (parfois syndrome de Down ou, anciennement, mongolisme), est une anomalie chromosomique congénitale provoquée par la présence d’un chromosome surnuméraire pour la 21e paire. Ses signes cliniques sont très nets, un retard cognitif est observé, associé à des modifications morphologiques particulières. C’est l’une des maladies génétiques les plus communes, avec une prévalence de 9,2 pour 10 000 naissances vivantes, aux États-Unis. L’incidence est d’environ 1 pour 770 naissances, toutes grossesses confondues et varie en fonction de l’âge de la mère : environ 1/1 500 à 20 ans, 1/900 à 30 ans et 1/100 à 40 ans.

L’un des traits les plus notables est le déficit du développement cognitif, mais aussi des malformations congénitales comme des cardiopathies Le QI des enfants atteints de trisomie 21 est extrêmement variable. Un certain nombre de patients souffrent de complications dites « orthopédiques » imposant l’hospitalisation. Les anomalies musculo-squelettiques sont souvent source de complications. Avec les progrès de la médecine et le suivi paramédical (telle que l’orthophonie), la qualité de vie des personnes trisomiques 21 s’est considérablement améliorée, ainsi que leur espérance de vie.

 

Épidémiologie

La trisomie 21 est l’explication la plus fréquente de retard mental, à l’origine de 25 % des handicaps mentaux chez les enfants d’âge scolaire. Il s’agit, parmi les anomalies chromosomiques observées en cours de grossesse, de celle dont l’incidence est la plus élevée : aux alentours de 1/770 naissances soit 1,3/1 000 naissances. Cette incidence s’accroît avec l’âge de la mère. Actuellement, avec l’utilisation des techniques modernes de dépistage, la proportion a été portée à 1/2 000 naissances. En France, 65 000 à 70 000 personnes atteintes de la trisomie 21 sont recensées. Néanmoins, la prévalence tend à s’accroître, en raison de l’allongement de vie des trisomiques.

Il s’agit d’une cause fréquente d’interruption médicale de grossesse: aux États-Unis, elle concerne entre 50 et 85 % des cas de trisomie diagnostiquée avant la naissance.

 

Clinique

Manifestations cognitives

La trisomie 21 libre complète et homogène, la forme la plus fréquente, s’accompagne habituellement d’une déficience intellectuelle variable, souvent légère, et il faut insister sur les points suivants :

  • l’importance de cette déficience est très variable d’une personne à l’autre, au même titre que les capacités intellectuelles des individus sains. Certaines personnes trisomiques 21 atteignant l’âge adulte savent lire et écrire avec aisance et ont une autonomie pratiquement complète quand d’autres ont une faible autonomie ;
  • il n’y a pas de lien direct entre la rapidité du développement psychomoteur du jeune enfant et ses performances à l’âge adulte.
  • il est très difficile d’évaluer les capacités intellectuelles d’une personne trisomique 21, car la plupart des épreuves psychométriques requièrent des capacités de coordination motrice ou visuelle, de tonus musculaire, de langage ou de communication qui font que les capacités intellectuelles des personnes trisomiques 21, souvent peu performantes dans ces domaines, sont fréquemment sous-évaluées.

Pour les trisomies en mosaïque, la situation est plus complexe car la proportion de cellules trisomiques 21 dans le cerveau n’est pas connue. Dans quelques rares cas de trisomie 21 dérivée d’une translocation, les capacités intellectuelles peuvent être normales.

Manifestations physiques

Chaque enfant est unique et le handicap se traduit pour chacun d’une manière personnelle. Les signes de la trisomie 21 changent avec l’âge. Le signe le plus fréquent est l’hypotonie musculaire globale (tous les muscles sont mous) associée à une hyperlaxité des ligaments articulaires (les articulations sont anormalement souples).

 

Certains signes physiques permettent souvent le diagnostic de la trisomie 21 :

  • la tête est petite et ronde avec un visage plutôt aplati et une nuque plate. Les fentes des paupières sont obliques, en haut et en dehors, les yeux sont très écartés. Il y a souvent un strabisme ou un nystagmus (mouvements pendulaires anormaux des yeux). Les iris, lorsqu’ils sont clairs, peuvent avoir des taches blanches caractéristiques, dites de Brushfield. La racine du nez est peu marquée en raison du moindre développement des os du nez et s’accompagne d’un épicanthus, repli cutané formant comme une troisième paupière. Les pavillons des oreilles sont petits et mous, avec des conduits auditifs souvent étroits. Le palais est parfois ogival et la langue peut sortir de la bouche (en position de repos, la langue est normalement collée au palais qui se développe sur elle, chez les trisomiques 21, elle est en position basse ce qui entraîne une insuffisance de développement du palais) ;
  • le cou est parfois court et large, le thorax déformé, l’abdomen mou avec un écart des muscles abdominaux grands droits, source de hernie ombilicale, le pénis est souvent petit avec des testicules fréquemment non descendus dans les bourses ;
  • les mains sont souvent trapues, avec une inclinaison du 5e doigt vers l’intérieur. Les doigts sont courts car les phalanges du milieu y sont trop courtes (brachymésophalangie). Dans la paume de la main, les plis peuvent être horizontaux, il existe souvent un seul pli transverse. L’examen à la loupe des dermatoglyphes (petits reliefs cutanés présents sur la pulpe des doigts et sur les paumes) montre aussi des figures spécifiques ;
  • les pieds sont, eux aussi, courts, avec un grand espace entre les deux premiers orteils, et assez souvent une mauvaise implantation d’un ou plusieurs orteils. Il peut exister des syndactylies (fusion de deux doigts ou orteils) aux mains ou aux pieds.

À la naissance, le médecin recherche systématiquement certains types de malformations :

  • cardiaques : communications inter-auriculaires, inter-ventriculaires ou auriculo-ventriculaires ;
  • oculaires : cataracte ou glaucome congénitaux ;
  • digestives : sténose duodénale (rétrécissement du duodénum au niveau de l’intestin) ou maladie d’Hirschsprung ;
  • orthopédiques : au niveau des hanches et des vertèbres.

Aucune personne trisomique 21 ne présente l’ensemble de ces malformations qui peuvent être parfois très discrètes et parfaitement compatibles avec une vie épanouie.

Diagnostic

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Caryotype d’un garçon trisomique

La trisomie 21 est une anomalie chromosomique définie par la présence d’un 3e exemplaire plus ou moins complet du chromosome 21. Dans 95 % des cas, il s’agit d’une trisomie 21 dite « libre » (par non-disjonction méiotique) et homogène. Dans 2 à 3 % des cas, il s’agit d’une mosaïque. Enfin, dans 2 à 3 % des cas restants, il s’agit d’une trisomie dite « non libre », c’est-à-dire que la partie surnuméraire du chromosome 21 est fusionnée avec un autre chromosome.

Le diagnostic ne peut se faire que par la mise en évidence du chromosome 21 supplémentaire lors d’un examen génétique, généralement par analyse du caryotype ou par hybridation in situ en fluorescence.

 

 

Trisomie libre

La présence d’un troisième chromosome 21 est la cause de la pathologie. Le mécanisme de la présence du chromosome supplémentaire est important à connaître pour le conseil génétique. La réalisation du caryotype permet de connaître le mécanisme.

La formule chromosomique de la personne atteinte de trisomie 21 est donc : « 47, 21+ ». Le chromosome 21 supplémentaire vient presque toujours de la mère. L’origine de cette maladie génétique se situe lors de la gamétogénèse, et plus précisément lors de la répartition des chromosomes homologues au cours de la méiose.

— Lors de l’anaphase 1: les chromosomes homologues de la paire n°21 appariés en bivalent ne se sont pas séparés et ont migré vers un même pôle.

— Lors de l’anaphase 2 : les deux chromatides du chromosome 21 ont migré vers un même pôle après clivage du centromère. Donnant ainsi un trisome et un monosome. Sachant que le monosome n’est pas viable.

 

 

Trisomie non libre

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Translocation d’un bras du chromosome 21 sur le chromosome 14

Il s’agit de la fusion de deux chromosomes 21 par le mécanisme dit de translocation. Il s’agit donc d’un chromosome apparent ayant le contenu génétique de deux chromosomes. La formule chromosomique de la personne atteinte de cette forme de trisomie 21 est donc « 46,XY,+21,der(21)t(21;21) » ou « 46,XX,+21,der(21)t(21;21) ».

La trisomie 21 par translocation est dans certains cas héritée de l’un des parents. Il faut dans ce cas pratiquer un caryotype chez les parents pour identifier le porteur de l’anomalie.

 

Pronostic

Il dépend essentiellement de la réparation des malformations cardiaques associées. La durée de vie dépasse les cinquante ans. La cause des décès est surtout cardiaque et pulmonaire.

L’obésité est fréquente.

L’hypothyroïdie se voit jusqu’à un tiers des cas. Il existe un risque accru d’ostéoporose.

Une femme trisomique peut être fertile et le risque de transmettre l’anomalie à la descendance est de 50%.

 

Dépistage prénatal

Le diagnostic prénatal est possible, il s’effectue soit au premier trimestre, à partir d’un prélèvement de villosités choriales ou choriocentèse qui est fait à partir de 11 semaines jusqu’à 14 semaines, soit par ponction de liquide amniotique au-delà de 14 semaines. Le risque d’avortement iatrogène est plus élevé lors d’une choriocentèse (environ 1 %) et le choix du prélèvement est fait en fonction du degré d’urgence et de l’indication médicale. Lorsque l’âge gestationnel est très avancé (vers la 30e semaine) un prélèvement de sang fœtal en ponctionnant le cordon ombilical peut être réalisé. Il permet d’obtenir un résultat rapidement car la culture de cellules sanguines (généralement de lymphocytes) ne demande que quelques jours alors qu’il faut plusieurs semaines pour les amniocytes.

La recherche d’ADN fœtal circulant dans la circulation maternelle est techniquement possible mais onéreuse; c’est le dépistage non-invasif de la trisomie 21, ou TGNI. L’étude SEHDA (séquençage à haut débit des aneuploïdies) confirme une sensibilité (99,79 % chez les femmes à risque modéré) et une spécificité du test supérieures à 99 % : il permet d’éviter 95 % des gestes invasifs, soit amniocentèse, soit biopsie.

Plusieurs études conduites aux États-Unis ou au Royaume-Uni ont montré que 90 à 93 % des grossesses ayant donné lieu au diagnostic de trisomie 21 ont été interrompues.

 

Évaluation

Le principe de l’évaluation consiste à évaluer la probabilité de trisomie 21 afin de décider si le risque de la ponction est tolérable. Le but de l’évaluation du risque est, lorsqu’il est élevé, de permettre aux futurs parents de décider de pratiquer une amniocentèse, qui permettra le diagnostic. Le seuil de tolérance est un choix arbitraire, il est en effet difficile de comparer la possibilité de faire éliminer un fœtus sain avec celle de donner naissance à un enfant trisomique.

Le but des examens de dépistage est, en fonction d’un ou de plusieurs paramètres cliniques ou paracliniques, de séparer les femmes enceintes en deux sous-populations : une population dont le risque est jugé bas et pour laquelle il doit être abstenu de réaliser tout prélèvement invasif en expliquant néanmoins que l’anomalie peut être présente, et une population estimée à haut risque pour laquelle un examen invasif va être proposé au couple après information concernant le risque lié à la méthode de diagnostic employée. L’évaluation d’un risque fait appel aux méthodes statistiques et de probabilité suivantes : avoir des signes pertinents, c’est-à-dire connaître la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et négative et enfin la prévalence du signe.

1959 : découverte de l’origine chromosomique de la trisomie 21

C’est le 26 janvier 1959, avec la publication, signée par les médecins français Jérôme Lejeune, Marthe Gautier et Raymond Turpin, d’un article[40] auprès de l’Académie des sciences et présentant trois cas d’enfants mongoliens que la communauté internationale apprend que la maladie est causée par la présence d’un chromosome surnuméraire au niveau de la 21e paire. Il y a trois chromosomes 21 au lieu de deux. C’est la première anomalie chromosomique décrite chez l’homme, et c’est la première maladie pour laquelle est mise en évidence la relation entre le génotype et le phénotype. Elle est donc renommée par Jérôme Lejeune, « trisomie 21 », « tri » voulant dire « trois » et « some » voulant dire « chromosome », c’est-à-dire « trois chromosomes 21 ».

XXIe siècle

En décembre 2011, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé de proclamer le 21 mars Journée mondiale de la trisomie 21, qui sera célébrée chaque année à partir de 2012. Cette date du 21/03 est hautement symbolique : elle fait référence aux 3 chromosomes 21 à l’origine de la maladie. Le but de cette Journée est d’inviter tous les États Membres, les organismes compétents du système des Nations-Unies et les autres organisations internationales, ainsi que la société civile, y compris les organisations non gouvernementales et le secteur privé, à sensibiliser et informer l’opinion publique sur la trisomie 21.